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WORKTECH Paris 2018 @WEWORK - Demain : quels modes d'organisation du travail ?



Jeudi 14 juin 2018 s’est déroulée dans le site de WEWORK, rue Lafayette, la session parisienne de WORKTECH, conférence qui s’interroge à travers le monde sur l’avenir du travail, de son organisation et des impacts de ces considérations sur les espaces qui l'abritent.


J’y ai facilité l’ensemble de la journée aux côtés de Ziona STRELITZ de ZZA. Que peut-on en retenir pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’y participer ?


BATOUL ASSOUL, OGILVY RED CONSULTING (France)


WORK LIQUEFACTION

Batoul s’est interrogée sur l’avenir du travail, menacé selon certains prévisionnistes par l’émergence des robots (qui étaient aux premières loges à la session VIVATECH 2018).

Plus que d’une disparition du travail, Batoul croit en sa ‘liquéfaction’ (concept développé par Bernard STIEGLER), autrement dit sa perpétuation à travers un nombre infini d’espaces différents, selon des horaires très flexibles et à travers de multiples projets réalisés par une même personne pour différents employeurs ou donneurs d’ordre.


Dans ce contexte, trois enjeux font leur apparition, qui impacteront directement le travail, son organisation et les espaces qui doivent l'abriter :

  • Les entreprises deviendront des « plates-formes » dont le rôle consistera à fournir à des collaborateurs de nature très diverse, l’ensemble des moyens, l’infrastructure et surtout l’expérience idéaux et optimaux pour mener à bien leurs tâches ;

  • Ces collaborateurs feront face à des enjeux de formation continue, afin de demeurer performants et être capables de se réinventer en permanence (c'est la raison pour laquelle WEWORK ou ADECCO acquièrent des écoles supérieures) ;

  • Les employeurs se caractériseront et se différencieront plus que jamais par leur « culture », qui deviendra leur véritable marque de fabrique et l’élément que scruteront les collaborateurs qu’elles solliciteront, cette culture étant la résultante d'une histoire, de mythes et de rites, que des espaces 'bien conçus' sauront refléter et incarner.


PHILIP ROSS, UNGROUP (Etats-Unis)


Internet Of Things: A Canvas For Everything

Philip est spécialisé dans la prospective et a dressé un panorama, un peu effrayant pour être honnête, de notre futur.


Celui-ci se construira, selon lui, autour de :

  • La biométrie (le ‘SMILE TO PAY’ d’ALIBABA),

  • Des robots (le ‘MASTERCARD CAFE’ ouvert à TOKYO),

  • La disparition des interventions humaines (le ‘AMAZON GO’, concept de magasin d’alimentation en libre-service ouvert par la marque à SEATTLE sans aucun employé présent sur place mais des centaines de caméras et senseurs observant vos faits et gestes : vous saisissez un article sur étagère : votre carte de crédit est débitée, vous le reposez, elle est créditée),

  • L’internet des objets (Internet Of Things), qui va démultiplier les services et usages possibles dans les espaces de travail : applications de détection de présence développées par GE LIGHTING ou CISCO, interfaces intelligentes fondées sur la commande vocale comme AMAZON ALEXA, infrastructure holistique vous avertissant d'une réunion et vous guidant à travers des écrans digitaux postés sur votre parcours, anticipant votre passage et vous indiquant le meilleur chemin pour être à l'heure, etc.


Philip prédit que la mesure sera partout et que les indicateurs mesurés seront très différents d’aujourd’hui. Ainsi, à l’image du BCG à Hudson Yards (NYC), des ‘coefficients de collision’ seront mesurés, afin de comprendre dans quelle mesure des espaces favorisent les rencontres fortuites et la sérendipité, afin d’être en mesure d’améliorer ces derniers en permanence..


De même, le ‘Pay Per Use’ sera la norme et la simplicité d’usage un élément de base de toute offre marketing, bien loin de la complexité actuelle entourant un processus de prise à bail, d’aménagement, d’emménagement puis d’exploitation au fil du temps !


JOHN DUCKWORTH, THE INSTANT GROUP (Grande-Bretagne)


Coworking: Consolidation & Nichification

John dirige les opérations UK et EMEA de THE INSTANT GROUP, qui se pose à la fois comme un portail recensant l’ensemble des tiers lieux disponibles à travers le monde et comme un opérateur de solutions flexibles lui-même.


Selon les études réalisées par THE INSTANT GROUP, le marché des solutions flexibles (incubateurs, espaces de coworking, ‘Services Offices’, ‘Managed Offices’, espaces proposés par les entreprises en sous-location dans le cadre de contrats court terme) pèse 26Md de dollars au niveau mondial, et compte près de 30.000 espaces de ce type à travers les divers continents (essentiellement Etats-Unis, Europe et Asie).


Le marché croît à 15% par an et les opérateurs structurés et globaux tels que WEWORK ou REGUS ou SERVCORP ne pèsent que 20% max de l’ensemble.


Une vague importante de consolidation est donc à anticiper, complétée par une ‘nichification’ grandissante du marché, l’offre se segmentant de plus en plus en fonction de secteurs d’activité (NYC héberge des tiers lieux réservés aux professions du droit ou des biotechs par ex), des caractéristiques socio-démographiques des ‘membres’ (femmes entrepreneuses uniquement ou amoureux des chiens par ex.), etc.


John confirme l’intuition, que je partage, quant au fait que le segment prometteur du marché est celui qui n’est pas ou mal adressé à date i.e l’ensemble des besoins situés entre des espaces de type coworking et des sites de bureaux très pérennes, adossés à des baux commerciaux. L’offre reste à bâtir pour ces besoins spécifiques.


ELLA HAFERMALZ, KIN CENTER (Pays-Bas)


Underground Tunnelling

Ella a présenté les résultats de ses recherches et met en avant la nécessité d’articuler de manière croissante des espaces physiques avec des équivalents virtuels (i.e en ligne) d’une part, d’organiser les espaces de travail physiques autour de trois grandes composantes d’autre part.


Ces dernières sont :

  • Des espaces privatifs (les fameux 'Booths' que l'on retrouve dans les projets d'aménagement bien conçus),

  • Des espaces qu’elle appelle ‘Club Houses’ autrement dit des plates-formes accueillantes, offrant beaucoup de services et favorisant les interactions, la collaboration informelle et la convivialité, traité spacialement comme de véritables hôtels,

  • Des ‘Underground Tunnels’ autrement dit des infrastructures assurant des coutures fines et constantes entre ces deux types d’espaces, ces ‘tunnels’ pouvant être des espaces physiques incarnés ou des applications de type Whatsapp, Yammer ou autres, que les collaborateurs s’approprient tels quels ou détournent et qui prolongent et complètent les usages proposés par les deux autres types d’espaces.


Selon Ella, un concept d’aménagement réussi doit comprendre l’ensemble de ces trois composantes physiques et les associer au mieux en fonction de la culture et de l’histoire spécifique de la société qui se lance dans ce projet.


Dr EVE EDELSTEIN, PERKINS & WILL (Etats-Unis)


Acoustic & Light Having Huge Cognitive Impact

Eve a proposé une session mettant en avant les travaux menés par l’agence d’architecture à laquelle elle appartient, PERKINS & WILL et au sein de laquelle elle apporte son expertise en matière de neurosciences.


L’ensemble de ces travaux confirment que nous sommes avant tout des ‘êtres de perception’ et que tout espace doit mobiliser deux composantes essentielles pour que nous y donnions le meilleur de nous-mêmes : en l’occurrence une acoustique optimale et un traitement de la lumière sans compromis.


Eve annonce en particulier des chiffres étonnants sur la proportion des Millennials souffrant de troubles auditifs (30% d’entre eux ont à 30-35 ans des capacités auditives correspondant à celles 'dégradées' d’un homme ou d’une femme de 40-45 ans).


Ces enjeux particuliers vont donc devenir particulièrement prégnants, parce que le bruit impacte très négativement les facultés cognitives et qu’une part grandissante des collaborateurs des entreprises seront particulièrement sensibles à cette dimension de leurs espaces de travail.


Frédéricke SAUVAGEOT (ORANGE), Jérémie PAPON (BNP Paribas) et Thomas MENASSOL (THALES) (France)


Le changement, c'est tout le temps

Le panel auquel j'ai eu la joie de participer a mis en évidence le 'décalage' entre les projections et concepts très futuristes présentés par les participants anglo-saxons et la réalité française.


Les représentants des trois grandes sociétés françaises présentes à WORKTECH ont partagé leurs points communs, à savoir :

  • La mise en place d'initiatives ambitieuses autour des espaces de travail dynamiques, soit d'ores et déjà en 'Flex Office' (THALES et BNPP), soit en 'Ready To Flex' (ORANGE), l'objectif principal étant la mise en mouvement des organisations concernées,

  • La difficulté à mettre en œuvre de telles initiatives en raison des multiples effets de bord de ces projets : articulation douloureuse avec le 'Home Office', attentes différenciées entre les générations (il n'y a effectivement pas que des Millenials dans nos entreprises), difficultés pour le management intermédiaire à 'manager' dans des organisations virtualisées, faible prise en compte des enjeux statutaires par exemple au sein de projets qui aplatissent les hiérarchies,

  • La nécessité pour chaque organisation de raisonner en 'progrès' par rapport à son point de départ spécifique, plutôt que viser le 'Graal' qu'incarnerait le déploiement irréfléchi d'espaces présentés comme innovants mais finalement très conformistes (car se ressemblant tous) et participant du mode de raisonnement 'globish' qui affectent bon nombre d'entreprises plongées dans la mondialisation. Maintenir des bureaux cloisonnés mais vitrés est un réel progrès pour certaines organisations, n'en déplaise aux tenants du 'Flex Office' !


Frédéricke SAUVAGEOT a conclu le panel en insistant sur la nécessité d'adaptation permanente des projets et espaces mis en œuvre : le 'vrai' projet démarre une fois les collaborateurs installés dans leur environnement de travail et une adaptation permanente, sous forme de petites touches et d'amendements incrémentaux, contribue fortement au succès, au-delà de la force du concept initial…


En conclusion

A l'issue de cette journée très dense, je retiendrai pour ma part trois choses :

  1. Au-delà des différences culturelles, qui sont réelles, j'ai été frappé par l'avance prise par nos voisins anglo-saxons en matière de 'Workplace Strategy'. L'aménagement d'espaces est en passe de devenir une 'science' dans ces territoires et s'en inspirer via des 'Learning Expeditions' me semble devenir une nécessité pour nos entreprises hexagonales, qui auront ensuite à procéder à une 'adaptation', une 'localisation' intelligente des principes et réalisations observés à l'étranger,

  2. L'émergence des Millenials, qui constitueront 75% de la population active en 2025, nous pousse à revisiter nos espaces de travail... mais la prise en compte des aspirations des générations qui les précèdent me semble être un enjeu très peu abordé dans ce type de conférence… et donc à travailler,

  3. La virtualisation des organisations, la 'liquéfaction' des espaces, l'aplatissement des hiéarchies et la désincarnation de l'affectio societatis qu'amènent avec eux tous les concepts d'espaces dynamiques et de 'Flex Office' contraignent les entreprises à s'interroger sur le seul ciment qu'il leur reste pour se définir comme organisation : leur culture, leur ADN. A mon sens, démarrer tout projet de transformation immobilière par une phase approfondie de réflexion sur l'histoire, les mythes et les rites d'une organisation (comme avancé par Batoul) est une nécesssité absolue…


Guillaume SAVARD

Associé Fondateur

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